Cinéma. « La Troisième Guerre » : la France au bord de l’implosion filmée par Giovanni Aloi

Le cinéaste italien réalise une saisissante photographie de la paranoïa d’une société sous menace terroriste.

Quelle est donc cette guerre évoquée dès le titre du premier long-métrage du jeune réalisateur italien Giovanni Aloi, tourné en France et en français ? Non plus la guerre traditionnelle avec ses lignes de front et ses antagonismes déclarés, mais une guerre invisible, diffuse, intégrée, susceptible d’éclater en tout lieu et à toute heure. Celle-là même que Manuel Valls en 2015 avait nommée « guerre contre le terrorisme », à la suite d’un George W. Bush qui, au lendemain du 11-Septembre, avait carrément parlé de « guerre contre la terreur ». Autant dire contre une idée, une abstraction. La France irait bien, par la voix de son président, jusqu’à déclarer la « guerre » à un virus. Symptôme d’un siècle où la menace, omniprésente et désincarnée, réside à la fois partout et nulle part, jusque dans l’air qu’on respire.

Moins qu’un sujet à traiter, c’est un malaise social que cherche ainsi à diagnostiquer La Troisième Guerre, celui d’une France au bord de l’implosion. Pour cela, Giovanni Aloi et son scénariste Damien Baumard adoptent un point de vue stratégique et très judicieusement décentré sur la société française : celui des militaires de l’opération « Sentinelle » qui patrouillent sur le territoire national pour renforcer le sentiment de sécurité civile, et intervenir si besoin en renfort du plan Vigipirate.

La réussite du film tient d’abord à la dialectique subtile qu’il installe entre le dehors et le dedans

Léo Corvard (Anthony Bajon), bleu aux airs poupin, fraîchement débarqué de sa Vendée natale, est affecté à Paris dans le cadre du dispositif en question. Régulièrement, il bat le pavé de la capitale aux côtés de deux ou trois compagnons, l’arme en bandoulière, sous le commandement de Yasmine (Leïla Bekhti), leur sergent. Tous marchent à l’affût du moindre trouble ou signe suspect dénotant un potentiel attentat. A la caserne comme en permission, cette tension ne les quitte jamais complètement, et entre même en résonance avec le passif ou les frustrations de chacun.

Par Mathieu Macheret – Le Monde

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