Moscou et Pékin accentuent leurs pressions sur leurs opposants comme sur leurs voisins, dit dans sa chronique, Alain Salles, chef du service International du « Monde ». De la Birmanie au Soudan, les espoirs démocratiques sont brisés par les militaires ou les autocrates.
L’année 2021 a commencé le 6 janvier dans le chaos de la prise d’assaut du Capitole à Washington par des militants trumpistes. Elle se termine par des bruits de bottes à la frontière entre la Russie et l’Ukraine et par la fermeture de la dernière ONG de lutte pour les droits de l’homme à Moscou, Memorial. 2021 a été une bonne année pour les dictateurs et une mauvaise pour les démocraties qui donnent des signes de fatigue en période de Covid-19 sans fin.
Ces signes de dépression sont venus des Etats-Unis de Donald Trump, quand, galvanisés par leur chef qui refusait sa défaite, ses partisans ont forcé la porte du fief des parlementaires américains. Les images ont fait le tour du monde, largement relayées dans les pays autoritaires, de Moscou à Pékin, qui se réjouissaient de montrer que la démocratie, c’était le désordre.
Le démocrate vétéran Joe Biden a bien du mal à redresser l’image ternie de l’Amérique. La sidération qui s’est emparée du pays (et du reste du monde) n’a pas duré longtemps. Liz Cheney – la fille de l’ancien vice-président de George Bush Jr, Dick Cheney, faucon d’entre les faucons républicains – est clouée au pilori de son parti pour avoir osé s’indigner de ce qui s’est passé le 6 janvier. Et aucun élu républicain ne souhaite émettre un vote de soutien à une mesure de Joe Biden.
Sur le plan international, ce n’est guère mieux. La débâcle du retrait d’Afghanistan, qui donne les clés de Kaboul aux talibans, a une double conséquence : une incrédulité des alliés qui ont été placés devant le fait accompli et un effet dévastateur sur l’image des Etats-Unis qui brandissent le flambeau de la démocratie en Afghanistan pour livrer le pays, vingt ans après, à ses anciens maîtres, au grand dam de cette génération d’Afghans, et surtout d’Afghanes, qui a cru aux promesses de Washington.
Coup d’Etat à Khartoum, guerre civile en Ethiopie
« Nos enfants et petits-enfants feront leur thèse de doctorat sur le sujet de qui l’a emporté : l’autocratie ou la démocratie ? », expliquait Joe Biden en mars. Si on se limite à cette année 2021, ce sont plutôt les autocrates qui gagnent. Dix ans après le début de la guerre civile, Bachar Al-Assad est toujours à la tête de son pays, même si celui-ci ressemble à un champ de ruines. Les espoirs de transition démocratique en Ethiopie et au Soudan, soutenus par Washington et les Européens, se terminent par un coup d’Etat militaire à Khartoum et par une guerre civile contre le Tigré, menée par le Prix Nobel de la Paix 2019, Abiy Ahmed, à Addis-Abeba.
Par Alain Salles – Le Monde