Dans un rapport présenté lundi 17 janvier, l’Organisation internationale du travail estime que le chômage mondial dépassera de 21 millions son niveau d’avant la pandémie.
L’économie mondiale est loin d’en avoir fini avec la pandémie de Covid-19, qui frappe la planète depuis deux ans. Alors que l’Organisation internationale du travail (OIT) évoquait, en janvier 2021, les « signes d’une timide reprise économique », bénéfique pour le monde du travail, la voici contrainte de revoir à la baisse ses perspectives.
Dans un nouveau rapport, présenté lundi 17 janvier, l’agence tripartite des Nations unies (regroupant les représentants des gouvernements, des employeurs et des salariés de 187 Etats membres) annonce que ces perspectives « se sont dégradées (…), et un retour aux performances d’avant la pandémie risque de rester hors de portée pour une grande partie du monde au cours des prochaines années ».
En chiffres, cela donne quelque 52 millions d’emplois à plein temps (sur la base d’une semaine de travail de quarante-huit heures) perdus, soit un déficit de près de 2 % par rapport à la période d’avant la pandémie – il était espéré à moins de 1 %. En cause, le maintien à un niveau élevé de la circulation du virus à l’échelle internationale et l’apparition du variant Omicron, qui en a renforcé la propagation.
« Chaque nouvelle flambée épidémique entraîne des reculs. Elle a ainsi eu de fortes répercussions sur de nombreux progrès en matière de travail décent réalisés avant la pandémie, et les déficits qui préexistaient pèsent sur les perspectives de reprise durable dans de nombreuses régions », écrivent les auteurs du rapport.
Et le rétablissement de la demande devrait prendre du temps, craint l’OIT. Un cercle vicieux se met en place avec des revenus du travail maintenus à un niveau modéré, la perte de salaires pour un grand nombre de travailleurs sans mise en place de revenus de remplacement, entraînant une baisse significative de la demande globale. « L’effet est particulièrement marqué dans les pays en développement, où la part des populations économiquement vulnérables est plus importante et où l’ampleur des plans de relance a été moindre. »
Inégalités
Par ailleurs, de nombreux salariés qui avaient quitté la population active durant les deux dernières années ne l’ont pas réintégrée, contribuant à la sous-estimation du nombre de chômeurs. « Le taux de chômage mondial devrait rester supérieur à son niveau de 2019 jusqu’en 2023 au moins. » Comparé à 2019, le chômage mondial dépasserait de 21 millions son niveau de 2019, atteignant le total de 207 millions en 2022.
Les statistiques mondiales, comme souvent, cachent une réalité inégale. Le relèvement du marché du travail se fait plus rapidement dans les pays à revenu élevé, comme aux Etats-Unis ou en Europe. Les pays « à revenu intermédiaire inférieur », en Asie du Sud-Est, en Amérique latine ou dans les Caraïbes sont ceux qui connaissent la reprise la plus lente.
Au-delà de la situation préoccupante du marché du travail, l’avenir s’annonce difficile pour les jeunes. En effet, souligne l’OIT, « la fermeture d’écoles, d’universités et d’établissements de formation professionnelle pendant de longues périodes dans de nombreux pays a affaibli les résultats d’apprentissage, ce qui aura des répercussions en cascade, à long terme, sur l’emploi et la formation continue des jeunes ».
Les évolutions économiques constatées durant les deux années de la pandémie pourraient aussi perdurer et « devenir structurelles ». « Nous constatons déjà des dégâts potentiellement durables sur le marché du travail, et nous assistons à une augmentation préoccupante de la pauvreté et des inégalités.
De nombreux travailleurs se voient contraints de passer à de nouveaux types d’emplois, par exemple, en raison de la baisse d’activité prolongée dans le secteur des voyages internationaux et du tourisme », s’inquiète Guy Ryder, le directeur général de l’OIT. Pour l’organisation internationale, la reprise, pour être durable, devra se fonder sur les principes du travail décent, en matière de santé, de sécurité, d’égalité, de protection sociale et de dialogue social.
Par Rémi Barroux – Le Monde