Après la diffusion d’une vidéo montrant les mauvais traitements infligés à de jeunes migrants marocains dans un centre d’accueil de Las Palmas, aux Canaries, Rabat a exprimé son inquiétude. L’Unicef a également mis en garde contre une « stigmatisation préoccupante » des enfants non accompagnés et des jeunes migrants sur l’archipel espagnol.
Enregistrée secrètement, une vidéo de 4 minutes 22 suscite de vives réactions depuis sa diffusion. Elle a été filmée le 31 janvier dans un centre d’accueil pour migrants mineurs situé à Las Palmas, capitale de l’île Grande Canarie, dans lequel la police avait été appelée à la suite de menaces proférées contre le responsable de cette structure.
Face à une demi-douzaine de policiers, quatre mineurs assis contre un mur implorent leur clémence et demandent de l’aide, tandis qu’un cinquième gît inanimé, face contre terre, sans recevoir d’attention médicale. La situation est tendue et un policier gifle lourdement l’un des jeunes qui semble terrorisé.
Ces images sont rapidement devenues virales sur les réseaux sociaux, provoquant colère et indignation. Les services policiers et l’antenne locale de la protection des enfants ont annoncé, dans la foulée, l’ouverture d’une enquête sur ces faits. Et les autorités marocaines ont, quant à elles, demandé des éclaircissements à Ricardo Diez-Hochleitner, l’ambassadeur espagnol au Maroc.
« Nous lui avons fait part de notre inquiétude face à ces événements et nous avons demandé aux autorités espagnoles de prendre les mesures disciplinaires nécessaires envers les auteurs de ces actes de violence », a indiqué le ministère marocain des Affaires étrangères au Monde Afrique.
L’enquête doit notamment déterminer si le jeune allongé par terre venait effectivement de menacer avec une arme blanche un éducateur de l’association chargée de gérer cette structure d’accueil. Selon le journal Jeune Afrique, tous deux ont porté plainte.
15 % des migrants arrivés aux Canaries en 2020 sont des mineurs
Sans se référer directement à cette vidéo, la branche espagnole de l’Unicef a manifesté, dans un communiqué diffusé le 5 février, sa préoccupation « au vu de la situation que vivent les enfants migrants et demandeurs d’asile sur les îles Canaries ». Tout en saluant les efforts déployés par cette région face à un afflux massif de migrants, elle demande l’adoption de mesures supplémentaires de protection de l’enfance, à la fois sur cet archipel et dans le reste du pays.
L’urgence est d’autant plus grande que les arrivées de migrants ne cessent d’augmenter. Et selon des chiffres communiqués mardi 9 février par la Croix-Rouge espagnole, 15 % des 23 000 migrants arrivés aux Canaries en 2020 à bord de 745 embarcations sont des mineurs. Les Marocains constitueraient environ la moitié de ces arrivées.
La situation de ces 3 462 mineurs présents sur l’archipel requiert, selon l’Unicef, une attention particulière de la part des autorités locales afin que ces jeunes, une fois majeurs, « ne se retrouvent pas à la rue, sans papiers ni permis à la résidence ». Or, les capacités d’accueil sur place, qui ont pourtant été multipliées par cinq l’année dernière, restent limitées, comme l’a indiqué la Croix-Rouge : 8 400 personnes se trouvent actuellement dans les 49 centres d’accueil gérés par le Ministère des migrations aux Canaries. Soit la capacité d’hébergement maximale.
Sur place, beaucoup de migrants sont livrés à eux-mêmes et tentent de s’en sortir par tous les moyens, certains tombant dans la délinquance. Les relations sont très tendues avec la population locale, certains migrants ayant été victimes d’agressions. Car de nombreux habitants demandent leur renvoi vers leurs pays d’accueil. Des accords ont d’ailleurs été trouvés dans ce sens entre les autorités espagnoles et marocaines, avec pour objectif le retour de 80 ressortissants par semaine. Un avion devrait également être affrété au cours des prochaines semaines vers le Sénégal. Mais les chiffres de ces retours n’ont pas été officiellement donnés par le gouvernement espagnol.
World Opinions – Info Migrants