Omar Raddad qui n’a jamais cessé de clamer son innocence sera rejugé. Il a été amnistié partiellement et libéré le 4 septembre 1998 par le président Jacques Chirac mais pas innocenté. Quelqu’un d’autre se serait contenté de cette liberté qui aurait été demandée par feu le roi Hassan II, lui, tient à ce que la justice lui rende vraiment justice.
Rarement une erreur judiciaire aura été aussi entêtée. Omar Raddad, jardinier chez Mme Ghislaine Marchal, a été condamné en 1994 à dix-huit ans de prison pour le meurtre de cette femme. L’affaire avait suscité à l’époque beaucoup d’interrogations et même un scandale. Enquête rapide pour ne pas dire bâclée, après tout un brave homme, un jardinier marocain, fait un bon coupable. Il a été défendu par Me Jacques Vergès, face à Me Leclerc, vice-président de la Ligue des droits de l’homme, connu pour ses combats anticolonialistes et ses positions politiques marquées largement à gauche. Les deux avocats sont de grands calibres.
Aujourd’hui, dix-neuf ans après l’affaire, Omar, qui n’a jamais cessé de clamer son innocence, va être rejugé. Il a été amnistié partiellement et libéré le 4 septembre 1998 par le président Jacques Chirac mais pas innocenté. Quelqu’un d’autre se serait contenté de cette liberté qui aurait été demandée par feu le roi Hassan II, lui, tient à ce que la justice lui rende vraiment justice. Gracié, pas innocenté.
Derrière cette volonté d’innocence, un écrivain, journaliste, membre de l’Académie française, Jean-Marie Rouart s’était mobilisé dès le premier jour aux côtés du jardinier marocain. Ils ne se connaissaient pas. Mais J-M Rouart a toujours été un vibrant ami de la justice. Pour lui, Omar n’était pas le coupable. Il avançait des preuves en plus d’une intuition d’observateur averti. Il avait écrit un livre «Omar, la construction d’un coupable» (Editions de Fallois), où son engagement et sa défense de Omar lui valurent d’être condamné à verser 55 500 Euros à la partie civile comme dommage et intérêts pour diffamation.
Aujourd’hui que la justice a accepté d’ouvrir de nouveau le dossier, il respire en même temps que le condamné amnistié. Le Monde du 18 décembre fait remarquer que «la justice accepte de se remettre en question, ce qui est très rare».
Que s’est-il passé?
Il faut rappeler que l’enquête avait été bâclée, que l’enterrement de la victime avait été rapide et que certains arguments pouvant innocenter Omar n’avaient pas convaincu l’accusation.
Entre temps, l’ADN a parlé!
On a retrouvé dans le sang de la fameuse phrase «Omar m’a tuer» quatre ADN. Aucun n’appartient à Omar. En outre, la victime avait été torturée et aurait été incapable d’utiliser son sang et ses doigts pour écrire sur la porte fermée de l’intérieur la phrase accusant Omar. Celui ou celle qui a commis la faute de français, l’a fait exprès. Un jardinier ne peut que méconnaître la grammaire française. Omar se serait dénoncé lui-même!
La France se présente comme la terre des droits de l’homme et de la justice. Mais que d’erreurs ont été commises dans ses prétoires.
Qu’importe, un homme, pauvre, modeste, un immigré têtu dans sa dignité, espère retrouver son honneur. On saura dans trois mois si la justice va enfin définitivement innocenter Omar. Mais sans l’acharnement de Jean-Marie Rouart, sans le travail en profondeur de son avocate Sylvie Noachovitch, le dossier d’Omar n’aurait jamais été rouvert.
Cette avocate n’a pas été découragée. Pour elle, «il s’agit d’une des plus grandes erreurs judiciaires du XXe siècle que nous allons rectifier à la cour de révision… La bataille n’est pas terminée, nous allons vers la vérité judiciaire».
Je ne souhaite à personne de se trouver un jour dans l’engrenage de la justice, quel que soit le pays. Mais Omar n’était qu’un jardinier, parlant à peine le français, timide et sans ambition. Il était le coupable idéal. Pourtant tant de contradictions dans l’accusation auraient pu l’innocenter, mais on ne sait pas pourquoi tout le désignait comme étant l’assassin. Son avocat a parlé d’«une nouvelle affaire Dreyfus et qu’Omar a été condamné parce que marocain, victime du racisme de la justice…». Racisme ou pas, Omar ne méritait une telle condamnation. 18 ans de réclusion et la honte terrible d’avoir tué la femme qui le faisait travailler.
Parfois il arrive que des grands ténors du barreau, se trompent. Me Vergès, homme mystérieux, était un grand avocat, mais qui aimait aussi la «société de spectacle» telle qu’elle est décrite dans le livre de Guy Debord.
Reste à savoir, une fois l’innocence de Omar établie officiellement, si l’Etat français l’indemniserait. Aux Etats-Unis, une erreur judiciaire de cette taille, coûterait très cher. En France, on se contente, en général, de donner un peu d’argent à la personne qu’on a offensé et à qui on a gâché la vie.
Pour le moment Omar respire, et nous aussi, même si la fin heureuse n’est pas encore établie.